> L’exposition
L’exposition
Organisée à l’occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire de Pierre Boulez, cette exposition met en perspective la multiplicité des aspects de l’œuvre, de la pensée et des rencontres qui ont tissé son parcours. Le déroulement chronologique s’articule autour d’une sélection d’œuvres majeures du compositeur, en alternance avec les engagements qui ont façonné son itinéraire.
Parcours de l'exposition
1944
Les années d’après-guerre
Pierre Boulez entre au Conservatoire de Paris en 1943 puis, quelques semaines après la Libération de Paris, intègre la classe d’harmonie d’Olivier Messiaen où il découvre des œuvres majeures du XXe siècle, de Ravel et Debussy à Stravinski et Bartók puis suit en cours particuliers l’enseignement d’Andrée Vaurabourg et de René Leibowitz.
Durant ces années d’études, Pierre Boulez écrit les Notations pour piano, fréquente les galeries parisiennes, lit les journaux littéraires, découvre Kafka et Mallarmé. Parti rencontrer René Char en Provence, il découvre à Avignon l’œuvre de Paul Klee.
1947
La Deuxième sonate
La Deuxième sonate est une œuvre de rupture, de dissolution du langage, qui fait exploser la forme de la sonate. Elle témoigne des chocs esthétiques reçus par Boulez et annonce les prises de position radicales qui suivront. Son aspect paroxystique marque une recherche du rapport brut à la matière, en écho aux poétiques d’Artaud et de Michaux.
Boulez rédige l’article « Éventuellement… » au moment de la composition de Polyphonie X et du premier livre des Structures, œuvres dans lesquelles il tente d’étendre les règles du sérialisme à l’ensemble des composantes du son.
1950
La Compagnie
Nommé directeur de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault, Pierre Boulez part en tournée avec la troupe et découvre l’Amérique du Sud en 1950, puis les États-Unis et le Canada. À New York, grâce à John Cage, il lit la poésie de Cummings, rencontre De Kooning, Guston, Pollock, Calder, Varèse et Stravinski.
À Paris, il fait la connaissance de nombreux intellectuels, galeristes, peintres et hommes de lettres, tels Nicolas de Staël, Henri Michaux ou Alberto Giacometti. À cette période se nouent également des dialogues amicaux serrés sur la composition avec Cage, Stockhausen, Berio, Maderna, Nono, Pousseur, Zimmermann – à Paris, à Darmstadt ou au festival de Donaueschingen.
1955
Le Marteau sans maître
Pour la troisième fois – après Le Visage nuptial et Le Soleil des eaux –, Pierre Boulez choisit d’écrire une œuvre sur un texte de René Char : Le Marteau sans maître. À partir de trois poèmes différents, il compose neuf pièces qu’il entrecroise de sorte à établir une circulation nouvelle dans l’œuvre. Le Marteau sans maître témoigne d’une étude des musiques extra-européennes engagée une dizaine d’années auparavant et d’un goût pour le théâtre oriental. La durée, l’instrumentation, l’organisation des textes et la voix soliste rapprochent l’œuvre du Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg (1912), dont l’univers et l’écriture intéressent Boulez à plus d’un titre.
Domaine musical
Nés sous l’aile bienveillante de Jean-Louis Barrault au cœur de l’hiver 1953-1954, les concerts du Petit Théâtre Marigny organisés par Pierre Boulez prennent dès leur deuxième saison le nom de Domaine musical.
Auditeur de ces premiers concerts, Nicolas de Staël consacre les dix derniers jours de sa vie à un immense tableau inachevé, Le Concert, directement inspiré des concerts Webern et Schönberg donnés les 5 et 6 mars 1955. Son décès tragique empêche Boulez de lui demander une maquette comme il le fera avec Masson, Ubac, Zao Wou-Ki, Miró et Giacometti, tout aussi fidèles auditeurs, qui œuvreront pour les emblématiques pochettes des disques Véga.
1957
Pli selon pli et la Troisième sonate
En 1957, la Troisième sonate est avec le Klavierstück XI de Stockhausen l’un des tout premiers exemples musicaux de ce qu’Umberto Eco théorisera quelques années plus tard sous le nom d’« œuvre ouverte ». Nourries par les poétiques de Mallarmé dans le Coup de dés ou de Joyce dans Finnegans Wake, ces œuvres accordent à l’interprète la liberté de créer son propre parcours dans la partition, à partir des possibilités de lectures ouvertes par le compositeur.
Pierre Boulez commence également l’écriture de Pli selon pli. Composant progressivement ce Portrait de Mallarmé, chacune des pièces du cycle interroge différemment l’alliance du texte et de la musique.
Direction d’orchestre
C’est à Caracas, en 1956, que Pierre Boulez dirige pour la première fois une grande formation symphonique.
Après la création du Visage nuptial, le Sacre du printemps pour le cinquantenaire de sa création puis Wozzeck de Berg, il dirige, à la toute fin des années 1960, les orchestres de Cleveland, Chicago, New York, et multiplie les contrats en Europe. En 1971, il succède à Leonard Bernstein comme directeur de l’Orchestre Philharmonique de New York et devient chef permanent de l’Orchestre symphonique de la BBC.
Ce travail avec de grandes formations marque l’œuvre de Boulez qui s’attèle à la réécriture orchestrale de partitions composées vingt ans auparavant et à la composition de grandes formes.
1963
L’Opéra
Au milieu des années 1960, la critique des institutions et la nécessité de leur réforme conduisent Pierre Boulez à travailler avec Jean Vilar et Maurice Béjart à un projet de réforme de l’Opéra de Paris – abandonné par Vilar en 1968. Après Parsifal et Tristan, qu’il dirige en Allemagne et au Japon, la fin des années 1970 est marquée par ses collaborations avec Patrice Chéreau : la Tétralogie du centenaire, puis Lulu en 1979 à l’Opéra de Paris. Pierre Boulez dirige ensuite deux productions mises en scène par Peter Stein – Pelléas et Mélisande de Debussy et Moïse et Aaron de Schönberg –, ainsi qu’un triptyque Falla-Stravinski-Schönberg mis en scène par Klaus Michael Grüber, avant de retrouver Patrice Chéreau en 2007 pour De la maison des morts de Janáček.
1974
Rituel
« Cérémonie imaginaire » pour orchestre en huit groupes et percussions, Rituel in memoriam Bruno Maderna est un hommage au compositeur italien décédé le 13 novembre 1973.
L’œuvre est organisée en quinze séquences. Dans les séquences paires, les groupes ne sont pas synchronisés entre eux – ils progressent ainsi à l’image de processions qui, empruntant des chemins différents dans une ville, ont leur propre unité mais finissent par se rejoindre sans être coordonnées entre elles. Rituel se situe à la charnière de nombreuses recherches sur la répartition des groupes instrumentaux dans l’espace et d’un intérêt pour les rites, nourri par l’ethnologie, le théâtre, la poésie.
1977
Outils pour la création
Lorsque le Président Pompidou lui propose de concevoir puis de diriger un institut consacré à la recherche musicale, Pierre Boulez accepte et l’Ircam (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/ Musique) voit le jour en 1977. Mais l’« outil » ne se limite pas à la lutherie instrumentale : la salle de concert elle-même est un objet de transmission ouvert aux impératifs de la création. La constitution du répertoire passe aussi par la création d’un nouveau type de formation instrumentale : en 1976 naît l’Ensemble intercontemporain qui réunit 31 solistes de haut niveau. La transmission, enfin, est pensée à travers le dialogue avec les sciences, l’architecture, la philosophie. Pierre Boulez est nommé en 1976 au Collège de France.
1981
Répons
Élaborée dans les studios de l’Ircam, Répons (1981-1984) est une œuvre dont le titre fait référence au plain chant. Cette forme du Moyen Âge, dans laquelle un chanteur soliste alterne avec un chœur, recèle des principes d’écriture récurrents dans l’œuvre de Pierre Boulez : prolifération d’une idée musicale à partir d’un élément simple, alternance entre jeu individuel et jeu collectif, sources sonores organisées dans un espace non frontal. Répons intègre à la fois des sons produits par ordinateur et ceux des instruments traditionnels. Le public est placé tout autour de l’ensemble instrumental et est lui-même encadré par six solistes et six haut-parleurs qui en restituent le son traité en temps réel.
Architectures virtuoses
Qu’il s’agisse de mettre sur pied un projet précis (l’Ircam, l’Opéra Bastille ou la Cité de la musique) ou d’échanger sur le processus de création, Pierre Boulez aura noué des dialogues privilégiés avec les architectes – parmi lesquels Renzo Piano, Christian de Portzamparc ou Frank Gehry – et garde un goût prononcé pour certaines réalisations plus anciennes, comme la spirale du musée Guggenheim de New York.
Pierre Boulez trouve ainsi dans l’architecture une source d’inspiration pratique, esthétique et politique nourrissant son goût pour les problèmes de virtuosité pure – ce « côté trapèze volant que prend une difficulté vaincue ». Dans Incises (1994) puis dans sur Incises (1996-1998), il donne libre cours à cette écriture virtuose.